Gabriella Grimes a 24 ans et est originaire de New-York. Depuis toujours, l’illustration est sa passion, et aujourd’hui c’est aussi son métier. Son univers coloré aux couleurs chaudes, met en

Gabriella Grimes a 24 ans et est originaire de New-York. Depuis toujours, l’illustration est sa passion, et aujourd’hui c’est aussi son métier. Son univers coloré aux couleurs chaudes, met en avant des corps qui sont trop peu représentés dans le milieu artistique : des corps noirs, des corps poilus, des corps sans stéréotypes de genre, mais aussi des fantasmes transgressifs. Ses illustrations érotiques dépeignent un monde où l’univers queer est une normalité, où les corps non blancs ne sont pas la norme de référence, où l’amour et le désir de l’autre sont ce qui compte avant tout.

Peux-tu te présenter en quelques mots Gabriella Grimes ?


Gabriella Grimes

Bonjour, je suis un-e artiste numérique, né-e et élevé-e à New York. Je suis américain-e de naissance, mais je m’identifie comme Afro-Caribéen-ne à cause de mon héritage bajan (le bajan est un créole anglais, parlé dans les Caraîbes, notamment aux Barbades, NDLR). Bien que je sois artiste, j’ai en fait un diplôme en musique avec des spécialisations en sociologie et en études africaines ! Je suis un soleil en Taureau, une lune en Verseau et un Lion levant, donc vous pouvez y aller et me sauter dessus pour ça. Je suis aussi fièrement queer : je suis non-binaire et gay. Je regarde beaucoup trop “Brooklyn 99”, j’ai vu une quantité absurde d’animes, je peux dire l’alphabet à l’envers, et mes épaules sont à double articulation.

Quand as-tu commencé à t’intéresser au monde de l’illustration ?

J’aime dessiner depuis aussi longtemps que je me souvienne. L’un de mes premiers souvenirs d’être vraiment dedans, c’est quand j’étais en CE1. Moi et un ami avons regardé le même anime (un anime est une série d’animation ou film d’animation japonais, NDLR) sur la chaîne Toonami, et nous avions nos propres dessins d’animes. J’ai trouvé son travail artistique génial et il a été l’une des premières personnes à m’inspirer à continuer. J’ai pris mon art au sérieux à partir de ce moment et n’ai jamais arrêté.

Comment décrirais-tu ton univers artistique ?

L’univers de mes dessins est semblable à l’univers dans lequel nous vivons, sauf qu’il accepte plus les queer assumé-es, et est donc plus ouvertement queer. La quantité de gens Noirs et de Personnes De Couleur que je peins reflète complètement la réalité. Nous avons toujours été la majorité sur Terre. L’univers que j’ai créé pour mon art est plein de beauté et d’amour. C’est pur, authentique et intense d’une manière vraiment merveilleuse. C’est platonique, sexuel, amical et familial.


“Movie Night” par Gabriella Grimes

Tu es non-binaire, et je vois que tes dessins tentent justement de montrer une sexualité non-binaire, mais aussi des corps poilus, des personnes diverses comme tu viens de l’énoncer… Vois-tu ton travail artistique comme un moyen de combattre les préjugés ?

Je ne pense pas que mon art soit un moyen de combattre les préjugés. Je n’ai jamais considéré mes œuvres d’art comme quelque chose pour les gens qui ont des préjugés et qu’ils doivent désapprendre. Tout art est intrinsèquement politique et, en tant que Noire, mon existence est intrinsèquement politique. Pour moi, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il s’agit d’essayer intentionnellement de lutter contre les préjugés.

Je peins ces corps parce que je les trouve beaux, et parce que les gens qui ressemblent à ça et vivent ces expériences ne se voient jamais aussi insouciants, heureux et amoureux de la vie. Mon art est un outil pour renforcer l’amour des gens pour eux-mêmes, et s’il aide les gens avec des préjugés à désapprendre leur merde dans le processus, c’est juste un extra sympa.

Plusieurs de tes illustrations érotiques sont inspirées du BDSM ou font référence au hentai japonais. Qu’est-ce qui te plaît dans ces deux univers de fantasmes ?

En tant que fan de Hentai depuis longtemps, j’aime beaucoup pouvoir recréer ces idées et ces thèmes. J’adore l’anatomie, la façon dont les corps bougent, et comment la sexualité et l’imagination peuvent transformer quelque chose de super dégoûtant en théorie, et le rendre chaud comme la braise. La première fois que j’ai entendu parler de “Tentacle Erotica” (hentai montrant des scènes érotiques avec tentacules, NDLR) au collège, j’étais dégoûtée. Mais ensuite, j’en ai regardé et c’était incroyable ! Ce qu’il y a d’impressionnant avec l’animation et les dessins de toutes sortes, c’est que vous pouvez façonner votre propre réalité. Et avec cela à l’esprit, pourquoi ne pas peindre une fille sexy avec de gros seins qui s’étouffe avec un tentacule ?


“Tentacles” de Gabriella Grimes

Pour ce qui est du BDSM, mon art me permet de l’explorer en toute sécurité. En tant que personne ayant un traumatisme sexuel, il y a des choses qui m’intéressent sexuellement, mais je ne me suis jamais sentie assez en sécurité pour les vivre. La plupart de mes œuvres sexuelles sont des fantasmes qui prennent vie. Et parfois, même si vous ne voulez pas participer à une activité, c’est quand même formidable de la voir se dérouler. J’ai l’impression d’avoir fait du bon travail avec un dessin sexuel, surtout quand c’est sur le thème du BDSM, quand quelqu’un me dit : “C’est tellement hot et ça m’a vraiment excité”.


“I’ll make this safe for you” de Gabriella Grimes

Et où puises-tu généralement ton inspiration pour dessiner ?

Je m’inspire de partout. Souvent, je ne sais pas ce que je vais dessiner jusqu’à ce que je me mette à dessiner. L’art est mon gagne-pain, et c’est étrange à dire, mais l’inspiration est très mécanique. Je me sens rarement inspiré-e par une certaine idée en amont. C’est plutôt du genre “qu’est-ce qui a l’air amusant, réalisable, et impressionnant à faire ?”


“Tentacules” par Gabrielle Grimes

Que trouves-tu le plus beau et le plus dur dans ton métier ?

Le plus dur, c’est de comprendre comment fonctionnent les différents corps. Ça craint, mais il y a si peu de références pour les corps qui ne sont pas valides, blancs, hétéro-cis et minces. Ça fait des mois que j’essaie de trouver des références sexuelles en fauteuil roulant.

Il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre comment peindre même les tons foncés de la peau. Les références dans le monde de l’art sont ridiculement biaisées.

Le plus beau, c’est de regarder différents corps. J’ai toujours aimé les corps. Je les trouve beaux et intéressants à regarder. L’art m’a aussi aidé dans ma sexualité, en réalisant la différence entre être sexuellement attiré-e par différents corps, et juste être capable d’admirer un corps sexy. J’adore le fait que parfois, ma journée consiste à regarder 5 scènes de sexe différentes et 8 corps nus différents pour m’inspirer ou pour déterminer comment une partie du corps devrait être peinte.

Un sort est jeté, tu n’as le droit de conserver qu’une seule de tes illustrations érotiques. Laquelle choisis-tu ?

C’est si dur, mais je pense “Siblings” (“Frères et soeurs” en français). C’est l’un de mes dessins préférés et je trouve que je n’ai encore rien recréé de semblable. J’aime les couleurs, la folie et l’amour entre ces frères et sœurs.


“Siblings” de Gabriella Grimes

Tu es une jeune New-yorkaise, Noire, non-binaire. Comment cet environnement influence-t-il ta vision de la sexualité ?

New-York est une ville libérale, mais je suis toujours confronté-e à beaucoup de racisme. Ce n’est pas réellement ouvert et ce sont généralement des micro-agressions, comme être suivi-e dans les magasins ou ignoré-e dans certains endroits. Je me tiens également à l’écart des espaces queer majoritairement blancs, à cause de leur fétichisation des femmes Noires. Je suis régulièrement mal identifié-e sur mon genre, j’ai même eu des cas où on m’a traité de transphobe, même si je suis littéralement non-binaire et que je ne m’identifie pas comme une femme. Je ne me sens toujours pas en sécurité à l’idée de montrer mon affection avec mon partenaire en public. Nous sommes dans une relation interraciale queer (iels* sont blancs), et nous sommes très affectueux-ses. Les gens nous regardent beaucoup ou deviennent mal à l’aise quand ils réalisent que nous sommes dans une relation romantique. Les gens ont ce préjugé que comme c’est New-York, les homosexuel-les sont en sécurité à 100% ici. Pendant ce temps, ma copine m’a raconté cet incident où quelqu’un a foncé avec sa voiture dans un centre de santé LGBT+ bien connu, et les gens pensent que c’était motivé par une queerphobie. On peut reconnaître que New-York est beaucoup plus sûr que plein d’autres endroits, mais il est toujours plein d’homophobie, de transphobie et d’anti-Noir-es.

Quel nom donnerais-tu à ta sexualité si c’était une oeuvre d’art ?

Je pense que je l’appellerais “Perfect”, parce que mon homosexualité est incroyable et belle telle qu’elle est.

Des projets à venir ?

J’ai super hâte de sortir un projet secret qui sera dévoilé le mois prochain, car ce sera un énorme pas pour ma carrière !

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