C’est en avant-première que j’ai eu l’occasion de découvrir le film “Mon Nom est clitoris”, réalisé par Daphné Leblond et Lisa Billuart Monet. On y découvre les témoignages de plusieurs

C’est en avant-première que j’ai eu l’occasion de découvrir le film “Mon Nom est clitoris”, réalisé par Daphné Leblond et Lisa Billuart Monet. On y découvre les témoignages de plusieurs jeunes femmes au début de leur vingtaine, sur leur rapport à la sexualité, à leur corps et à l’hétéro-norme. La parole y est libre, intime, légère et révèle les difficultés de trouver sa voie et sa liberté sexuelle en tant que femme.

Dialogue entre jeunes femmes autour de la sexualité féminine

“Mon Nom est clitoris” est un projet qui démarre en 2015, suite à une discussion entre Daphné et Léa, sur leur vie personnelle et les obstacles qu’elles rencontrent dans leur propre vie sentimentale et sexuelle. Elles se disent alors qu’il serait positif d’entendre et voir plus de jeunes femmes de leurs âges parler ouvertement de leur sexualité.

C’est ainsi qu’elles réunissent douze jeunes femmes de 20 à 25 ans pour raconter le parcours de leur sexualité depuis l’enfance. Dans leur chambre, face caméra, elles s’adressent aux deux réalisatrices, se rappelant leurs premières sensations, les explorations hasardeuses et les obstacles inattendus. “Nous avons eu très peu de refus, alors que la condition était de parler à visage découvert” se rappelle avec joie Daphné.


Bande-annonce du film “Mon nom est clitoris”

Contrairement à ce que peut laisser penser le titre “Mon nom est clitoris”, le film ne se focalise pas uniquement sur cet organe du plaisir. Le clitoris introduit et clôt le film, mais ce qui est avant tout montré est la relation difficile avec la sexualité que peuvent avoir les femmes aux débuts de leur vie sexuelle, même quand elles sont dans une démarche de l’assumer pleinement. “On voulait redonner sa place au clitoris. Le clitoris est une métonymie, car emblématique de la sexualité des femmes. Mais finalement, on se rend compte qu’on ne parle quasiment que de domination masculine dans le film” commente Daphné. En effet, tout au long du film, les témoignages relatent des expériences personnelles dans lesquelles émergent des doutes et difficultés, liés de façon évidente à un manque d’information et des stéréotypes encore ancrés dans notre société : la pénétration pénis-vagin vue comme principale (si ce n’est seule) sexualité valide, le tabou de la masturbation féminine, la grossophobie ou encore l’injonction à l’épilation. L’objectif des réalisatrices était de “faire un film qui fait du bien, qui fasse prendre conscience du caractère systémique des problèmes. Elles nous ont toutes dit qu’elles pensaient chacune être seules à se masturber !” indique Daphné.


Capture du film, avec le visage de deux interviewées, quand elles apprennent que le clitoris mesure environ 11 cm

Reprendre la main sur son corps et les idées reçues

Les réalisatrices ont conscience d’avoir un panel de femmes particulier, qui ont toutes fait des études supérieures et ont donc un terrain privilégié en matière de connaissances. Et pourtant, dessiner leur vulve ou ne pas se forcer à avoir une relation sexuelle, n’est pas forcément une évidence. C’est pourquoi “Mon Nom est clitoris” a pour volonté de rassurer et décomplexer les jeunes femmes. Daphné tient à souligner qu’elles veulent “essayer d’intégrer le plus de femmes possibles. On aimerait que le film parle aussi bien à des asexuelles, qu’à celles qui ont une sexualité ultra active, et faire comprendre qu’il y a des injonctions tout autour de nous et qu’il faut s’en débarrasser.”


Capture du film “Mon nom est clitoris”

“Mon Nom est clitoris” est aussi intéressant, car il nous montre comment les femmes, même conscientes de l’emprise de schémas patriarcaux sur leur sexualité, ont souvent intériorisé sans s’en rendre compte des mécanismes toxiques. Je pense notamment à cette jeune femme, qui au moment de raconter sa première fois avec un mec, commence en disant qu’elle a été chanceuse de tomber sur un mec attentionné, puis au fur et à mesure de son récit, on se rend compte que ce fût en fait tout le contraire. Comment peut-on relater comme positif, un événement qui au final est plutôt traumatique ? Comment arrive-t-on à considérer comme attentionnée, l’attitude d’un mec qui fait justement preuve d’un manque d’empathie évident ? Plusieurs injonctions paradoxales sont repérables dans le film, ce qui lui confère une tonalité assez dramatique. On ne peut s’empêcher de voir qu’une sexualité dénuée de blocages et doutes, reste encore une montagne à gravir pour les jeunes femmes, notamment face à des jeunes hommes qui doivent eux aussi s’interroger sur leurs représentations de la sexualité.

“Mon Nom est clitoris” s’inscrit cependant dans une démarche de dédramatiser la sexualité, d’en parler librement, de dire aux jeunes femmes qu’elles ne sont pas seules à se poser des questions, qu’il n’y a rien de honteux à aimer ou ne pas aimer le sexe, quelle que soit leur orientation sexuelle et de continuer d’ouvrir les discussions sur la sexualité pour qu’elle soit la plus agréable possible pour touts.tes.

“Mon Nom est clitoris” sera diffusé en avant-première au Festival de films LBGTQ+ Chéries Chéris du 16 au 26 novembre dans les cinémas MK2 à Beaubourg, Quai de Seine et Bibliothèque, en présence des réalisatrices.