Trois questions à Odile Fillod !

Pourquoi la modélisation 3D du clitoris s’est-elle imposée à vous pour démocratiser sa représentation ?

Odile Fillod : C’était avant tout pour faire prendre conscience de sa taille réelle, or montrer un spécimen tenu en main m’a semblé être le plus efficace pour ce faire. La 3D permet aussi de bien appréhender sa forme, trop complexe pour être comprise sur la seule base des schémas anatomiques classiques, qui sont des plans de coupe virtuels et non des vues en perspective.

Pourquoi tant d’ignorance sur l’organe, et donc le plaisir féminin ?

Odile Fillod : Principalement parce que le clitoris ne sert qu’au plaisir sexuel féminin, et que ni l’un ni l’autre ne joue de rôle concret dans la reproduction. Dans un contexte socioculturel historiquement caractérisé par la domination masculine et par la réprobation de la sexualité non-reproductive, cela a conduit à ce qu’on se soucie peu non seulement d’approfondir sa connaissance (pour l’essentiel déjà acquis en 1844), mais aussi et surtout de la diffuser. C’est l’évolution de ce contexte au cours des dernières décennies qui a permis que l’ignorance commence à reculer.

Cela change-t-il vraiment l’intimité des femmes de connaître l’exactitude de l’anatomiedu clitoris, selon vous ?

Odile Fillod : Sans parler d’exactitude anatomique, disposer de certaines informations changent beaucoup de choses. Déjà, le seul fait de savoir qu’elles possèdent un organe homologue au pénis – issu des mêmes tissus embryonnaires, jouant le même rôle clé dans le plaisir sexuel et « bandant » lui aussi sous l’effet de l’excitation sexuelle – aide les femmes à cesser de se voir comme manquant de quelque chose, et comme ayant une sexualité par essence réceptive plutôt qu’active. C’est important aussi pour déculpabiliser la masturbation clitoridienne, et pour comprendre qu’orgasmer plus facilement voire exclusivement par la stimulation externe du clitoris n’a absolument rien d’anormal. Ensuite, connaître concrètement l’anatomie et la position de l’organe les aide à donner sens à leurs ressentis et les incite à explorer différentes façons de le stimuler. De manière plus générale, cela aide à sortir des scénarios sexuels centrés sur le coït vaginal qui sont trop souvent insatisfaisants pour les femmes, et qui mettent aussi sur les hommes une pression indue à performer une forme de virilité toxique.

(Photo à la une : Getty Images)

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