Armistice & disparition

On dirait qu’ma négociation a abouti, le chtiot veut faire la paix… En même temps, on n’était pas en guerre non plus… Y’a juste eu quelques paroles un peu vives quoi. L’a du caractère c’chaton-là, j’aurais pas cru qu’il en ait si tant, alors qu’on s’connaît même pas. Ça promet ! Heureus’ment qu’suis concilante et facile à vivre… Si si, j’suis un ange – tsss, qui a dit « déchu » ? J’vous ai entendu, dites pas l’contraire. Toute façon c’est mouâ qu’écris donc j’mets c’que j’veux pissétout.

En c’moment, la météo est bizarre. Il fait beau l’matin, c’est gris l’après-midi, souvent avec une averse, et beau l’soir. C’est pour ça qu’j’ai passé ma nuit dehors – déjà pour rattraper le temps perdu quand j’boudais, pis pour profiter du beau temps. Suis rentrée c’matin fourbue. Même pas pris l’temps d’manger, j’suis allée m’vautrer sans même faire d’câlin à Pôpa qui était encore couché. J’lui ai même pas croqué le nez, pourtant j’aime bien ça… C’est ma façon à mouâ d’lui montrer que j’laime ! J’vous cache pas que souvent, il aim’rait mieux que l’aime moins, j’sais pas pourquoi. Peut-être pour mon haleine goût « croquettes » ou alors à cause d’mes jolies p’tites quenottes, allez savoir… Quand j’pense qu’après, il faudra que j’partage le lit avec l’Breton, ça m’ravit pas, mais alors pas du tout.

Môman vient d’dire que le chtiot s’est carapaté… Quand j’dis qu’il manque pas d’air c’chaton-là. S’est taillé à travers champs – encore heureux qu’c’est la campagne ! Va en avoir à raconter quand y r’viendra. Où il est allé, qu’est-ce qu’il a fait… Parc’qu’il va rentrer hein, quand il aura bien faim… Ça, c’est quelqu’chose qu’j’ai jamais osé faire. Mais Chanibal m’avait raconté qu’une fois, dans sa folle jeunesse, il avait déserté la maison durant quinze jours… Il avait visité le village et était même allé se restaurer à l’épicerie ! Pis un jour il en avait eu marre et était revenu frapper à la fenêtre avec sa patte, comme il savait si bien le faire – mouâ j’gratte, j’préfère. Ça avait dû lui servir d’leçon, parc’qu’il l’a jamais refait. J’en suis même à me d’mander si c’était si chouette qu’il le racontait. Si oui, pourquoi donc il est jamais r’parti hein ? C’était flou. Et quand c’est flou, c’est qu’y’a un loup mouâ j’dis. Mais tu parles qu’il allait pas l’dire, il préférait s’la jouer « grand aventurier » en roulant les mécaniques ! Pour en r’venir au p’tit frère, j’espère qu’il va vite rentrer hein, parc’qu’il est un peu jeune pour jouer aux explorateurs, surtout dans une région où il n’a pas vocation à rester.

En tout cas il a bien fait son coup l’Breton, ça fait huit jours qu’tout l’monde le cherche en vain. Bon, ce soir on m’dit qu’un chat noir lui ressemblant aurait été trouvé… J’le connais pas ce p’tiot chat, mais j’prie pour qu’ce soit lui. Pas que j’sois vraiment pressée qu’il arrive chez nous, mais faudrait pas qu’il lui arrive quelqu’chose. Personne ne mérite de finir sous une voiture ou pire, dans une moissonneuse-batteuse. Pis si on veut finir d’écrire ce livre, j’peux pas l’faire toute seule non plus quoi… J’l’ai d’jà fait, c’est fatiguant. Il va en avoir à raconter le p’tit noiraud, ça va en faire des pages, mouâ j’vous l’dis… Alors qu’il s’y mette dès son retour, pendant c’temps-là j’me r’poserai et pissétout.

Vous allez pas m’croire, mais aujourd’hui 10 juillet, ça y est ! On a r’trouvé l’Breton ! J’voudrais pas dire, mais il a traîné la campagne pendant vingt jours, sans qu’personne n’arrive à l’attraper. Pour peu, il dev’nait un CSDF – Chat Sans Domicile Fixe – on aurait du le rebaptiser Parsifal O’Malley et il se s’rait mis au jazz dans les greniers avec d’autres chats d’gouttière… Quelle déchéance ça aurait été ! On n’sait pas encore quand il arrivera chez nous, il faut l’temps qu’y s’remplume un peu le p’tiot, et qu’y r’trouve des r’pères avant de finir son périple à travers la France. En tout cas il va bien, c’est déjà ça.

Alors si tu m’lis Persil Plat – voui j’peux m’le permettre, parce que mouâ j’suis pas une fugeuse de bas étage comme certain – t’as intérêt à raconter ton périple hein, les Français veulent savoir et mouâ aussi.

C’est pas l’tout mais y’a pas d’raison que j’noircisse des pages et des pages pendant qu’monsieur s’fait chouchouter en jouant les feignasses. Au boulot l’frérot et qu’ça saute. Si on veut faire la rentrée littéraire comme les grands zécrivains, y’a plus d’temps à perdre elle dit Môman.

La prochaine fois, j’vous parlerai du nouveau gouvernement. Parc’que pendant qu’monsieur s’prom’nait, il s’en est passé des choses : le Flip est parti et l’Cron a nommé un nouveau premier sinistre… Cachesex il s’appelle. Et l’nouveau gouvernement c’est un vrai festival, mais là il est vraiment trop tard pour que j’m’y attelle. La prochaine fois j’vous dis tout, promis.

J’vais prendre le frais dehors, avec le r’tour du beau temps c’est très agréable de flemmarder dans l’gazon. À la r’voyure !

Nikita