Faites des zhumains ! Non mais j’vous jure qu’ils vont m’faire dev’nir chèvre, les miens. Pendant des semaines, ils ont pas mis un pied dehors parc’qu’ils étaient confités, et maint’nant les v’là qui partent sans même m’prévenir ! D’puis l’matin en plus… Et mouâ j’compte pour quoi ? Pour peau d’chat pissétout… Miouuuuuuu…

Alors avant-hier soir, il était tard car il commençait à faire tout nuit, j’les ai vu rentrer. J’étais dans l’pré d’en face, ils m’ont pas vue. Mais j’suis pas allée vers eux. Puisque j’compte pour rien, ben eux non plus pissétout. « Nikita, Nikita » ! J’les ai entendu m’appeler hein, pareil hier matin. Nada, j’ai pas bougé. Faut quand même pas déconner non plus hein. Suis rentrée qu’en début d’après-midi, parce que j’tenais plus sur mes pattes et j’avais l’estomac dans les coussinets. Me suis fait une orgie d’croquettes car j’avais si tant faim que j’commençais à voir des mirages. Si, un distributeur d’croquettes m’était apparu au fond du pré, pis quand j’ai voulu manger, ben y’avait plus rien. Là, j’me suis dis « ma pauv’fille , – oui, j’aime bien m’appeler comme ça, ça m’permet d’pouvoir me plaindre mouâ-même –, ma pauv’fille donc, t’es en train d’tourner maboule faudrait p’t’être penser à rentrer ». Alors j’ai ravalé ma fierté et j’suis r’venue voir les lâcheurs. Z’ont dit qu’j’étais toute craspouille, j’comprends pas pourquoi. Mon poil exhibait un gris du plus bel effet… Comment il chantait Goldman ? « Entre gris clair et gris foncé ». Bah c’était tout mouâ ça. En plus d’puis avant-hier, j’peux vous dire qu’j’avais marché seule…

Môman, d’puis qu’le Breton il a été r’trouvé, n’en a plus qu’pour lui. Parsifal par ci, Parsifal par là, j’t’en foutrais mouâ ! Pis l’est bizarre c’noirnaud-là… Il est épais comme un oiseau rachitique, mais il est quand même très long…

Ils ont des chats tout longs, vive la Bretagne
Ils ont des chats tout longs, vive les Bretons !

Z’avez vu si j’chante bien ? Pis on m’dit qu’aujourd’hui, c’est la fête nationale. Parce qu’il y a des siècles, les français affamés et en colère après le roi, ils ont pris la Bastille – c’était une prison où y’avait plus personne, y s’sont pas trop foulés quand même les révolutionnaires – et après le roi il a perdu la tête parc’qu’on la lui a coupée… Oui, oui, les zhumains z’ont fait ça… Vous savez, ceux qui s’disent des mammifères évolués. En en f’sant tout ça, ils chantaient…

Dansons la charmagnole, vive le son vive le son
Dansons la charmagnole, vive le son des chatons.

Ah, on m’dit dans l’oreillette qu’ça s’rait pas vraiment ça le texte… Et alors, y’avait p’t’être une adaptation féline qu’les chats sans-culottes y chantaient hein ? Prouvez-mouâ qu’c’est pas vrai et j’vous croirez… J’vois pas pourquoi les chats d’l’époque y z’auraient pas fait la révolution aussi après tout.

Sinon pour le p’tit moricaud¹ et c’qu’il a écrit hier, je s’rai pas jalouse s’il vient pas marcher sur mes platebandes, sur mes croquettes, sur mon Pôpa, bref s’il touche pas à tout c’qu’y est à mouâ… Si tu veux que j’te les prêtes, il faudra le mériter pissétout. À toi d’jouer, d’mi-portion !

Aller, j’ai quand même autre chose à faire dans la vie, noiricir des pages c’est pas c’qu’y a de plus palpitant à faire. Hasta luego tout l’monde !

Nikita

1Moricaud (nc) : péjoratif et raciste, personne de couleur ou basanée.