L’a attrapé un coup d’soleil

J’savais bien qu’y fallait pas qu’il sorte l’Breton, z’avez vu les dégâts ? Il a la cervelle qu’a surchauffée et il dit n’importe quoi. Il m’aime… J’ai rien fait pour hein, qu’on s’comprenne bien. C’est indécent, une pareille déclaration qui plus est publique. Il attend quoi, que j’lui dise la même chose ? Même pas en rêve, j’ai une réputation à tenir mouâ. Pas d’sensiblerie et pissétout. C’est ma ligne de conduite.

Ben voilà, même dehors j’peux plus être tranquille ! Y m’auront tout fait mes deux pattes. D’abord ram’ner un étranger noir à la maison, et le lâcher dans la nature pour qu’il vienne me pourrir la vie dehors. Bon, faut dire qu’avec toutes les bêtises qu’il a fait dedans, j’peux les comprendre hein. Manger les plantes, non mais j’vous jure… C’est pas mouâ qu’aurais fait ça, même quand j’étais tout chtiote chatonne. J’étais sage comme une image. Ah, on m’dit dans l’oreillette que ce s’rait un mensonge… Z’êtes sûrs ? Peut-être pas comme une image alors, mais sage quand même mouâ j’dis et l’premier qui m’contrarie, j’y explose la tronche. J’sais quand même mieux qu’vous comment j’étais, non mais alors !

Bref, l’noiraud il a fait tellement d’bêtises qu’ils l’ont lâché. Mais c’est qu’dehors, il me course c’t’engeance-là… Y respecte rien. Où donc va-t-il falloir qu’j’aille pour être tranquille ? En Bretagne ? Beurk, non… En plus là-bas y’a plein d’Bretons ! Hier matin j’étais bien, tranquille peinarde sous la voiture du jeune déplumé. Et d’un coup qu’est-ce que j’vois débouler ? Mon Persil Plat, pas gêné pour un sou. Bon, ça va il s’est pas trop approché, l’est resté sous son bout d’voiture. Mais ça fait rien, où est l’respect d’mon intimité hein ? Le pire, vous voulez qu’j’vous dise ? Ben c’était nos zhumains – enfin, surtout les miens – qui s’félicitaient qu’il ait osé sortir. Là, ça m’a achevée. C’est quand pas un exploit ! Pis après, d’vinez c’qu’ils m’ont dit ? Qui fallait que j’veille sur lui pour qui lui arrive rien. Rien qu’ça. Mouâ j’vais dehors pour m’prom’ner, pour flemmarder au soleil ou chasser, par pour faire cat-sitter à deux balles ! Z’en ont d’bonne mouâ j’vous l’dis. Du coup, et comme j’veux pas les décevoir quand même, ben j’surveille l’asticot. Ça va, il va pas trop loin. Un peu dans la haie, dans l’pré qu’est derrière, chez les voisins – ceux qu’ont un autre noiraud qui s’appelle Adolphe. C’qui m’fait souci, c’est qu’y faudrait pas qu’il s’acoquine avec c’te racaille-là, parque ça s’rait du propre ! Va falloir que j’y apprenne qu’il y a des fréquentations à n’pas avoir quand on est un chat respectable. Lui, il aime si tant tout l’monde qu’c’en est pitoyable ! Il va s’faire poiler – c’est comme plumer mais quand t’as des poils à la place des plumes – ce chtiot naïf ! Heureus’ment qu’môman Nikita veille au grain. Punaise, v’la que j’me prends pour sa mère ! Chut… Z’avez rien lu, j’l’ai pas écrit.

Mais c’est qu’hier soir, il voulait pas rentrer c’te crevure. Pôpa l’appelait, mais macach bono. Il continuait d’musarder, nez au vent. Vous savez c’que j’ai fait ? J’suis passée derrière lui et j’lui ai botté l’train. Là, il est rentré, vexé. Non mais alors… Quand on est tout chtiot, on traîne pas dehors après l’couvre-feu et pissétout. Y’a des limites à tout ! Heureus’ment que j’suis là, sinon il aurait été capable d’passer la nuit dehors le loustic. En tout cas, il était moins vif hier soir l’Breton, il était tellement si tant fatigué qu’y t’nait plus d’bout l’bestiau. Plus d’énergie pour la moindre bêtise…

J’suis rentrée aussi, un peu plus tard. Faut dire qu’pendant des jours j’ai plus mis une patte à la maison, ou presque pas. Y’m’tapait sur les nerfs Parsifal. Z’avez vu, j’fais un effort, j’l’appelle par son nom ! Mais vivre dehors alors qu’il fait si tant chaud, c’est pas une vie. Pis mes zhumains y disent de nouveau que j’suis toute craspouille. C’est d’ma faute peut-être si c’est tout poussièreux parc’qu’il pleut pas ? Non, alors qu’ils me lâchent les coussinets avec ça ! Ma blancheur n’est pas auto-nettoyante – enfin si, mais ça m’prend un temps fou à m’rendre toute propre.

Tiens, en parlant d’couleur, à force d’faire des papouilles au noiraud, y’a Pôpa qu’a découvert qu’il était pas entièrement noir. Oui, vous z’avez bien lu et vous comprenez pas, parc’que vous avez vu qu’du noir sur les photos. Ben il paraît qu’il aurait deux poils blancs sur l’dos, même qu’Môman elle les a vus aussi. Ça en f’rait donc un métis… Suis déjà un peu plus rassurer, on a quelque chose en commun, même si ça n’tient qu’à deux poils. C’est une toute chtiote blancheur, mais tout d’même. Sinon, bah faut r’connaître que si on fait abstraction d’sa noirceur, c’est un chat comme les autres. J’aurais pas cru, quand même. Faut dire, à ma décharge, qu’le seul noireaud d’ma connaissance c’était Adolphe, et c’est vraiment pas une référence ! Les bêtises d’Parsi – c’est son p’tit nom –, j’aurais pu les faire. Les câlins, j’fais les même – mais pas si tant qu’lui. Ce s’rait donc qu’au fond, sous nos poils, on s’rait pareil lui et mouâ ? Waouh, voilà encore une question qui va m’tarauder pendant un moment. J’vous laisse méditer là-dessus, mouâ j’vais m’coucher. À bientôt !

Nikita, la pas dodue