Z’ai pas eu l’temps d’écrire tellement z’étais occupé à découvrir le dehors. C’est fabuleux, y’a pas d’mots pour décrire tout ce que ze vois. Les zoiseaux, les insectes – mes préférés, ce sont les sauterelles – les souris – tiens, z’en ai attrapée une pas plus tard qu’hier, ze m’amusais bien avec mais elle a réussi à s’sauver, z’ai du la rechercher –, même l’herbe est fabuleuse. Vous z’auriez cru ça vous ? Moi non, même si z’avais un goût du dehors durant ma fugue, c’était vachement moins bien qu’ça. Surtout que là, ze rentre quand ze veux pour manger mes croquettes ou une pâtée. Fini la faim et la soif, c’est open-bar à la maison ! Idem pour les câlins, z’peux en faire tout plein quand z’veux.
Du coup, ze fais plus du tout d’bêtise à la maison, et ma vie nocturne est consacrée à dormir, comme tout l’monde. Bon, pas Nikita car elle passe souvent ses nuits dehors. Môman elle dit que z’suis encore trop petit pour ça et qu’si ze sors, le loup y va me manzer. Moi z’crois qu’c’est parce qu’ils ont peur de plus m’voir dans l’noir. Dézà qu’ils ont un peu d’mal des fois le jour – z’suis trop rapide ils disent, tu parles ! – alors la nuit z’vous dis même pas. Faut qu’y s’achètent des yeux, mais des bons… De chat par exemple ! Nan mais sérieusement, le soir maint’nant, ze suis sur les rotules et ne pense plus qu’à une chose : trouver un lit et m’écrouler d’ssus. Pis au moins, comme y’a pas d’bêtises, z’ai pas peur de me faire disputer. Au contraire… Y sont tout contents d’me voir, mes zhumains à moi que j’ai.
Avec Nikita, y’a des hauts et des bas. Certains zours elle me supporte, de loin, et d’autres où même de loin, elle me souffle. Elle doit être biploaire ou un truc dans c’zenre là pour chanzer comme ça d’un zour à l’autre. Moi z’suis touzours de bonne humeur, même avec elle. Z’aimerais bien qu’elle me dise c’qu’elle me reproche au final. Après tout, moi z’ai pas demandé à v’nir ici hein. Bon, ze r’grette pas, mais quand même. Z’ai lu c’qu’elle a écrit l’autre zour. Ma noircitude semble quand même être un gros problème pour elle, tellement qu’elle a été soulazée qu’Pôpa il ait trouvé deux poils blancs sur mon dos. C’est bizarre parc’que moi, z’les ai zamais vus ces poils là, pourtant z’en passe du temps à m’toiletter. Si ça s’trouve ils sont dans sa tête les poils blancs à c’te folle ! Notez qu’si ça peut lui faire plaisir que z’en aie, moi z’veux bien. Môman elle dit qu’il faut pas contrarier les cinglés, surtout s’ils s’appelent Nikita !
Donc elle a décidé que z’étais métis… Ze sais pas c’que c’est, mais si elle le dit, ze le suis point barre. Vous savez qu’les voisins y ont un chat noir aussi ? Un peu comme moi, sauf qu’il marche tout bizarrement. C’est lui que Nikita appelle Adolf, même qu’c’est son pire ennemi. Pourtant, il est épais comme un fil à coudre et avec son handicap, il peut pas sauter. Si c’est ça qui lui fait peur, elle est pas bien courazeuse quand même. Moi, y m’fait pitié mon frère de couleur. Au début z’pensais qu’on l’avait mal traité parce qu’il était noir, mais non. Y paraît qu’il a manqué d’oskyzène quand il est né, c’est l’docteur des chats qui l’aurait dit. Z’ai eu d’la chance finalement, z’suis peut-être né dans la rue, mais normalement et sans problème. Z’ai zuste un œil qui coule tout l’temps, Môman me l’nettoye régulièrement. On sait pas d’quoi ça vient, mais c’est pas grave. C’est pas une maladie.
Pour en r’venir à la folle dodue, hier matin z’ai cru qu’on allait pouvoir faire un câlin, elle était couchée par loin d’moi sur le carrelaze. Mais ça s’est arrêté là. Elle dit qu’avec c’qu’elle appelle la bébête – à son âge elle parle bébé, elle peut pas dire la pandémie comme tout l’monde ? – il faut garder les distances de sécurité parc’qu’on n’a pas de masques sur le museau et qu’on peut pas se passer les pattes au gel hydromachinchose et qu’j’ai pu ramener la « bébête » parce que ze suis pas d’ici. Vous voyez l’niveau ? Bien perchée hein, la Nikita… Pour peu, elle m’enfermerait dans un camp en m’oblizeant à porter un COVID jaune sur mes poils… Comment ils disent dézà plus les francs-comtois ? Mûrie ! – Z’avez-vu ? Z’m’adapte bien au langaze local hein ? Quand z’pense qu’c’est l’autre qu’elle appelle Adolf, elle manque pas d’air quand même. La civilisation semble ne pas l’avoir encore atteinte… Ze suis pas plus malade qu’elle, et si on ne parle que du mental, alors ze l’suis pas du tout moi. Ze crois qu’c’est parce qu’elle a peur et qu’elle est bien trop fière pour le reconnaître. Après, ze peux comprendre que l’inconnu ça fasse peur. Vous croyez qu’z’étais rassuré moi, quand on m’a amené ici ? Non, mais ze suis pas tombé dans l’n’importe quoi non plus, y’a des limites !
Auzourd’hui est un autre zour, peut-être qu’elle s’ra sympa avec moi… Léchouilles – bah oui, z’aime bien léchouiller tout l’monde. À bientôt !
Parsifal
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