Peu après la fête des morts, l’artiste japonais Keiryû Asakura annonce sur Twitter qu’il a pratiquement achevé la fabrication d’une poupée sexuelle constituée d’os, de ligaments
Peu après la fête des morts, l’artiste japonais Keiryû Asakura annonce sur Twitter qu’il a pratiquement achevé la fabrication d’une poupée sexuelle constituée d’os, de ligaments et de muscles synthétiques. C’est probablement une première au monde.
Keiryû ASAKURA est connu au Japon pour ses dessins de jeunes femmes aux allures de cyborgs ou de mutantes. Fasciné par le corps humain, il s’amuse volontiers à en produire des versions hybrides. Ses dessins à la mine de crayon sont d’un réalisme fascinant. Or voilà que depuis deux ans, pour son usage personnel et privé, Keiryû se fabrique un duplicata de compagne, un corps artificiel dont il publie en ligne de perturbantes images. Tel un cadavre disséqué, ce corps reproduit, grandeur nature, celui d’une jeune femme écorchée. Ses globes oculaires semblent jaillir de ses orbites. Ses fémurs semblent avoir été raclés au couteau. La chair à vif de ses mains laisse passer des morceaux d’os. Etape après étape, Keiryû détaille sous la forme de photos et de vidéos l’avancement de ce projet qui peut sembler macabre en apparence, mais non : il ne s’agit pas de nécrophilie. Il s’agit, au contraire, de créer la vie.
Créature de Frankenstein érotique ?
«Au départ j’utilisais des cables et de l’argile. Mais petit à petit, les matériaux ont changé. J’ai acheté des morceaux de squelette (les mains, les pieds et le bassin) à la firme Yokusuka Zoukei qui fabrique des duplicatas pour les écoles de médecine. Je me suis concentré sur les faisceaux musculaires, reconstitués à l’aide de matières textiles, et notamment au niveau des épaules (aisselles, omoplates), de l’entrejambe, des coudes, des articulations du genoux et du cou.» Plastique, tungstène, chiffon, polyéthylène… Pour la peau, Keiryû la découpe sur des sextoys. Il prélève puis transplante des couches de derme en silicone qu’il coud en reprenant les techniques de greffe cutanée. Il n’y a pas d’organes internes, mais uniquement des matières synthétiques aux qualités de résistance comparables à celles de la chair humaine.
Le seul organe interne, c’est la vulve
Keiryû veut que la poupée «réagisse» au toucher de la façon la plus réaliste. Quand on lui touche le ventre, il faut qu’on sente l’élasticité des intestins derrière (même s’il n’y en a pas). «Une poupée est plus attirante si elle donne l’impression d’avoir un corps organique et mortel comme le nôtre, dit-il. C’est pour cela que je l’ai nommée “anatomique”, parce que sous la peau on peut sentir une structure souple.» Il ne s’agit cependant pas d’une copie d’humain. Keiryû insiste : sa poupée n’est qu’un leurre sensible. Son but n’est pas de reproduire un humain à l’exact mais uniquement la sensation produite par la tonicité d’un corps vivant. «Le seul organe interne, dans cette poupée, c’est la vulve», explique-t-il, en précisant : une vulve extractible telle qu’on peut en trouver couramment dans les sex-shops. Il suffit de l’insérer dans une cavité entre les cuisses de la poupée.
Devenir quelqu’un d’autre, par le biais d’une poupée
«Je suis un homme hétérosexuel, raconte Keiryû. J’avais besoin de trouver un dérivatif à ma libido sans faire de mal à personne, et sans avoir à m’investir dans une relation. C’est pour cela que j’ai fabriqué cette poupée, mais aussi parce que je voulais me transformer. Je suis fatigué d’être moi-même. J’ai envie de devenir quelqu’un qui n’est pas moi. Voilà pourquoi je l’ai fabriquée.» Elle s’appelle Kore. Nom de code : Anatomical Sexual Marionette ARK01KBRM. Keiryû s’en sert à la fois comme d’un double et d’une partenaire. Il lui fait prendre des poses, parfois aussi il la suspend par des fils afin qu’elle bouge en suspension. Il la dispose dans des postures excitantes, jouissant de sentir les membres dociles se plier exactement comme ceux d’une vraie femme. Aucune poupée sur le marché ne peut atteindre à un tel degré de véracité corporelle. Même les love dolls de silicone, au squelette d’aluminium, ressemblent à de grossiers pantins comparées à Kore, l’élue de Keiryû.
Un «objet» sexuel
S’agit-il d’un objet sexuel ? «Bien sûr, répond-il. Son nom Kore signifie d’ailleurs “ceci, cela” quand on parle d’un objet. Le fait est que j’aime le contrôle, mais je ne supporte pas les gens qui disent “Elle est à moi” en parlant d’un femme. Alors voilà, maintenant, puisque la poupée appelée Kore est une chose, je peux dire “Elle est à moi” et je peux la contrôler à ma guise.» Le projet de Keiryû peut sembler fou. Est-il raisonnable de passer deux ans à fabriquer un ersatz de femme ? Le seul autre exemple connu est celui de Kokoschka, qui s’était fait faire une poupée en fourrure à l’image d’Alma Mahler, suite à leur rupture. Kokoschka, cependant, n’avait pas fabriqué la poupée de ses mains. Il l’avait commandée. Puis il l’avait détruite. Keiryû, lui, n’a certainement pas l’intention de détruire son oeuvre. «J’aimerais voyager avec elle, faire des vidéos et des photos, la mettre en scène dans de magnifiques paysages, qu’elle rencontre des gens et interagissent avec eux. J’aimerais faire du porno de marionnette. J’aimerais qu’elle devienne une star sur YouTube (une marionnette-Tuber!). Avec Kore, désormais, je me réjouis de vivre.»
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Compte Twitter de Kore : https://twitter.com/ARKNG2?s=03
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