« Maîtriser sa soumission » en voilà une drôle d’idée qu’exprimait le Commandant, libertin fetish aguerri aux pratiques BDSM et dominant de son état. « Ca n’a pas de sens », lui dis-je, « puisque c’est le dominant qui donne le rythme et fait tout, en quelque sorte ». Je ne voyais vraiment pas comment un(e) soumis(e) pouvait être active dans un rapport de domination/soumission, puisque par définition il(elle) devait se soumettre et obéir. Mais j’allais bientôt comprendre le sens de cette idée, dans un scénario bien concret, dont seul le Commandant a le secret.

J’étais venue, seule, chez lui, pour l’interviewer, en vue d’un article pour mon blog. Cet article était destiné à enrichir une nouvelle rubrique sur mon blog, « Paroles de coquin(e)s », donnant la parole à des coquin(e)s que j’apprécie et/ou avec qui je vis des émotions sensuelles et sexuelles.

Pour respecter l’esprit de mon blog (et aussi parce que je connaissais l’animal que j’allais avoir en face de moi), je m’étais apprêtée avec une robe sexy (robe pull moulante) et avais enfilé de la lingerie rouge et des bas. Ce qui me changeait, il faut l’avouer, de ma tenue de télétravail quotidienne (pull, legging et grosses chaussettes).


C’est important de mettre du rouge et des étoiles dans sa vie.

L’interview démarra donc, autour d’une coupe de champagne. Le Commandant avait revêtu pour l’occasion une tenue faite de cuir et agrémentée de galons sur les épaules. Comme il me l’expliqua, il était rompu à l’exercice de l’interview et en donnait beaucoup pour des magazines gays et des articles sur le libertinage. Ce qui me mit un peu la pression, en tant que journaliste en herbe.

La frustration tu connaîtras.

Au bout d’une trentaine de minutes, je sentis son attention décliner. Il surveillait son téléphone. L’interview fut coupée par la sonnerie de l’interphone. Quand le Commandant revint dans le salon, sa posture avait changé : il bombait le torse, se voulant plus imposant, reprenant pleinement son rôle de dominant. Je ne pouvais pas ignorer non plus le petit sourire coquin accroché aux lèvres ni qu’il plaçait volontairement ses mains derrière lui, pour cacher quelque chose.

Le Commandant voulait que je saisisse concrètement l’esprit de la soumission : être entravée, frustrée, perdre ses repères et ne s’en remettre qu’à son maître. Pour parvenir à ses fins, il m’avait concocté, avec la complicité de mon homme, une (sacrée) surprise.

De mon côté, il faut l’avouer, me laisser aller au plaisir est une chose qui m’est aisée. Renoncer à maîtriser le déroulement des choses en est une autre. J’ai aussi la (fâcheuse) tendance à tourner les choses à la dérision et ne pas être parfois (assez) sérieuse. Pour reprendre les mots de mon homme, je ne suis pas une soumise naturelle. Il y avait du boulot.

Aux ordres du Maître tu obéiras.

Le Commandant me dévoila ce qu’il cachait à ma vue en disant : « Tu me fais confiance ? Je t’ai prévu une surprise ». En vérité, j’eus à peine le temps de répondre, qu’il plaça un masque sur mes yeux et me prit les mains, m’enjoignant à le suivre jusqu’à sa chambre.

« Attends ici » dit-il une fois arrivés dans la chambre. Debout et immobile, je sentis alors la présence d’autres hommes autour de moi et leur regard posé sur moi. J’en percevais deux mais je n’en étais pas certaine, une des consignes étant de rester religieusement silencieux. Des mains m’ôtèrent ma robe puis ma lingerie rouge.

Le Commandant, désormais le Maître, me fit m’asseoir puis m’allonger sur le lit, me demanda de placer mes bras en croix et m’attacha fermement les mains avec des menottes de cuir (chaque menotte était rattachée à un pied de son lit par une chaîne à la longueur réglable). Je me retrouvais donc les bras en croix, yeux bandés, nue, face à de jeunes hommes spécialement mobilisés pour moi.

Le Maître m’interdit de chercher à me servir de mes mains (même un tout petit peu) et d’ôter mon masque. Il me posa régulièrement et avec instance les mêmes questions devant appeler invariablement les mêmes réponses. Dans le BDSM, chaque terme employé est extrêmement important et a du poids, amplifié par la répétition :

  • Qui est ton Maître ? « Vous Maître »
  • A qui appartiens-tu ? « A vous, Maitre » « Uniquement à vous, Maître »
  • Est ce que tu m’es soumise? « Oui, Maître »

L’attitude, le comportement et tous les gestes des hommes, soumis eux aussi d’une autre façon, étaient contrôlés et ordonnés par le Maitre, qui s’amusait à les frustrer en leur interdisant certaines choses. il les avait sélectionné sur des critères précis : beaux bien sûr (pour ne pas gâcher son plaisir à lui aussi), bien montés (je pus le vérifier par moi même), mais surtout déjà testés et approuvés par ses soins au préalable.

Là était l’essence de rapport de Domination / Soumission : tous les protagonistes, en particulier la soumise, aux ordres du Maître pour vivre une expérience unique et prendre du plaisir différemment.

De nouvelles sensations tu exploreras.

Dans cette configuration (yeux bandés et mains attachées), ma perception était tronquée et je ne pouvais me délecter que partiellement de la sensualité des ébats.

Privée de la possibilité de les toucher, je pris un plaisir particulier à jouer de ma langue sur leurs queues tendues, autour de leurs glands gonflés, à chercher à l’introduire dans la fente de leur chibre et à goûter liquide pré-séminal légèrement sucré. Et force est de constater qu’une fellation les yeux bandés est encore plus excitante #ohlala.

Privée de la possibilité de jouer de mon regard pour enflammer le désir, comme j’aime tant à le faire, je devais me concentrer différemment et mobiliser davantage mes autres sens. Je fus alors surprise d’être en capacité de saisir chaque détail (dont certains auxquels je prête habituellement peu d’attention), de percevoir chaque chose de façon exacerbée et de profiter de la plus infime sensation :

  • Des mains parcourant mon corps des cuisses jusqu’aux seins (dont certaines plus froides que d’autres),
  • un parfum boisé parmi des odeurs plus neutres,
  • une langue lapant et une bouche aspirant mon clitoris,
  • une chaîne pendue à un cou venant furtivement effleurer ma peau,
  • une respiration haletante, saccadée ou appuyée,
  • des chibres tendus glissant en moi,
  • des gouttes de sueur perlant d’un visage jusqu’au mien,
  • une barbe frôlant mon cou,
  • du sperme giclant ou coulant sur ma poitrine.