La transidentité en débat

Ce vendredi soir, j’ai assisté à une animation à la médiathèque de Ronchamp. Pour sa première participation au Mois du Film Documentaire, l’établissement avait choisi un sujet de poids et d’importance : la transidentité. Une soirée en deux temps, avec la projection du film de Sébastien Lifshitz Bambi, qui retrace le parcours de l’une des premières transgenres/transsexuelles françaises, puis un débat animé par Stéphanie Nicot, vice-présidente de la Fédération LGBTI.

Dans cette bourgade rurale de Haute-Saône, évidemment que cela n’a pas mobilisé les foules, une petite quinzaine de personnes avait fait le déplacement. 

Tout d’abord, je tiens à souligner la très grande qualité du film. Je connaissais le parcours de Bambi, qui fut artiste de cabaret dans les années 50/60 avant d’intégrer l’éducation nationale, mais j’étais loin de tout connaître. Ainsi, je ne savais pas qu’elle n’avait pu bénéficier de papiers officiels à son nom de femme que grâce au chaos et à la perte de registres de son lieu de naissance, l’Algérie. Du fait de cela, elle a pu faire établir ses papiers au nom et au genre qu’elle s’était choisis, sans aucun problème. Si la vérité avait été connue, elle ne les aurait jamais obtenus et n’aurait jamais pu devenir enseignante… 

Le débat a été très riche en informations sur la façon dont la France considère encore aujourd’hui les personnes transgenres. Il n’y a que quelques années, la France a été condamnée par la CEDH pour discrimination et mauvais traitement car elle imposait aux personnes qui souhaitaient une chirurgie de réassignation sexuelle d’apporter la preuve médicale d’une stérilisation ! Il a été fait également mention de la castration chimique catastrophique qui leur était imposée avec l’Androcur, traitement qui a été la cause entre autres choses, de tumeurs cérébrales. Aujourd’hui, pour bénéficier de traitement hormonal et aller ensuite vers la chirurgie dans un parcours médical classique, la personne doit avoir un suivi psychiatrique long. Comme l’a fait remarquer Stéphanie Nicot, à juste titre, « pourquoi ? Je ne suis pas malade ! ». 

Elle a expliqué qu’elle se procurait elle-même ses hormones, avec un suivi de son médecin traitant. Pour la chirurgie, elle a préféré se rendre en Thaïlande à ses frais. Parce que les meilleurs chirurgiens sont là-bas (ainsi qu’au Canada et aux USA). Et de souligner que les français en quête de transition étaient otages de leurs moyens financiers. Ceux qui le peuvent vont à l’étranger, les autres doivent se contenter de ce qu’on leur propose ici, c’est à dire quelque chose de médiocre. 

Autre point noir : la changement d’identité et de genre au niveau des papiers. Bien qu’opérée, Stéphanie Nicot n’a toujours pas pu obtenir ce changement, ce qui génère des problèmes dans certains actes de la vie courante (aller récupérer un recommandé à la poste, par exemple), ou tout simplement pour voyager dans certains pays. Là encore, c’est très long et il faut de l’opiniatreté pour parvenir à décrocher le sésame.

Pour le reste, elle a raconté comment -alors qu’elle était auparavant enseignante très bien notée- elle avait été « placardisée » du jour au lendemain au moment de sa transition. Comment, on lui a dit « puisque vous êtes une femme, je vais vous payer désormais 15 % de moins ! ». Et d’ajouter « les transgenres ne se suicident pas parce qu’ils sont trans, mais parce que les autres ne les traitent pas comme des personnes à part entière ». Et force est de reconnaître que s’il y a eu quelques progrès de faits, on est loin de l’acceptation. C’est ce combat que mènent, chaque jour, inlassablement, les associations LGBT, sans oublier évidemment l’accueil et l’écoute de jeunes, qui ne savent pas avec qui parler de leurs problèmes d’identité, ni quelles solutions peuvent exister. 

Alors, à l’heure où les agressions homophobes et transphobes sont en augmentation dans notre pays, des soirées comme celle de vendredi sont plus que nécessaires. Pour démystifier tout cela. Parce que ce qui fait le plus peur, c’est ce que l’on ne connait pas et que l’on ne voit qu’au travers du prisme des préjugés et de clichés trompeurs. Chaque personne qui a assisté à cette soirée a le devoir de faire connaître ce qu’elle en aura retenu. 

C’est par la  pédagogie et l’éducation à l’égalité que nous viendrons un jour à bout de ces archaïsmes. Pour le bien de tout le monde. Après tout, hommes, femmes, intersexués ou transgenres, nous sommes tous avant toute autre chose des ÊTRES HUMAINS qui devraient être égaux en droits et en devoirs.