"Le mien est trop profond pour ne durer qu’un jour". Carte postale ancienne : www.cpa-bastille91.com

Daniel Lacotte, c’est Mission Impossible, ou comment sauver ce qu’il nomme notre «patrimoine linguistique». Défenseur des proverbes

"Le mien est trop profond pour ne durer qu’un jour". Carte postale ancienne : www.cpa-bastille91.com

Daniel Lacotte, c’est Mission Impossible, ou comment sauver ce qu’il nomme notre «patrimoine linguistique». Défenseur des proverbes cocasses et des dictons gaulois, il se bat pour la protection des mots, qui vaut bien, dit-il, la protection de la nature.

Si vous aimez la terre, vous devriez aimer votre langue. En 1913, dans un discours intitulé L’homme et la Terre (traduit aux éditions R&N en 2016) – considéré comme le premier des manifestes écologiques, Ludwig Klagès énumère les oiseaux qui, déjà, se sont tus : «pie, loriot, mésange, rouge-queue, fauvette, rossignol»… Il cite encore les alouettes, les hirondelles, les ortolans, les martinets et les cailles, déplorant que la campagne soit devenue «étrangement silencieuse» avant de passer aux noms des chants anciens et des instruments de musique traditionnels. Son texte n’est qu’une liste. Si le nom des animaux disparaît du vocabulaire, on les perd à jamais, dit-il. «Le “progrès” ne fait pas que ternir la vie, il la réduit également au silence. […] Les espèces végétales et animales exterminées ne se renouvellent pas, […] ensevelie la source intérieur qui nourrissait les chants merveilleux et les fêtes sacrées».

La mémoire du vivant

Depuis 40 ans, en France, Daniel Lacotte lui aussi énumère la longue liste des mots en danger, mots qu’il recueille avec passion dans des ouvrages aux titres remplis d’allégresse : Petite anthologie des mots rares et charmants, Les Mots canailles, Dictionnaire des mots retrouvés, Les Proverbes de nos grands-mères, Le Bouquin des mots savoureux cocasses et polissons… Il y tient, sans relâche, le même discours : l’extinction des êtres et des choses commence lorsqu’on oublie leur nom. Raison pour laquelle, d’arrache-pied, Daniel Lacotte se bat. Il faut sauver ces tournures de phrase, ces adages anciens et ces expressions du terroir qui font du français une langue «vivante». En 2018, son dernier livre s’intitule Métaphores, je vous aime ! et milite pour la sauvegarde des images pour le moins bizarres qui truffent notre français.

Un regard de braise, ne pas avoir froid aux yeux

Il y en a des connues : n’y aller que d’une fesse ; mettre du baume au cœur ; avoir quelqu’un dans la peau ; ne pas avoir les yeux dans sa poche ; faire des folies de son corps. Il y en a de plus rares : avoir une belle paire de quinquets ; épouser la veuve poignet ; la roche Tarpéienne est proche du Capitole. A chacune, Daniel Lacotte consacre un petit explicatif et des exemples. L’ouvrage est exhaustif. On le lit comme un poème, avide de pouvoir ensuite placer dans la conversation une de ces images : déclarer sa flamme, avoir les foies, jeter un froid, ça lui fait une belle jambe, faire les beaux jours, les atomes crochus, ne pas y aller de main morte, avoir le nez creux, broyer du noir… Il faut savoir «se délecter du verbe», explique Daniel Lacotte «car une métaphore bien choisie enjolive l’austérité des jours ordinaires.»

Faire chère lie : le bonheur, ça se voit

Son recueil, cependant, est plus qu’une liste de rappel. Il offre aussi le plaisir d’apprendre pourquoi le mot bonheur est une redondance (dans l’expression «au petit bonheur», par exemple) : heur signifie «bonne fortune», rappelle l’auteur. D’où la tournure : avoir l’heur de vous plaire. Parmi les expressions les plus étonnantes, il y a aussi faire bonne chère qui ne signifie pas «bien manger» mais «bien sourire». Lorsqu’elle fait son apparition au XVIe siècle, l’expression faire bonne chère se traduit : «faire bonne figure, accueillir plaisamment ses convives, bien traiter ses invités. Car le mot chère dérive tout droit du bas latin (III-Ve s.) cara (visage). Donc celles et ceux qui font bonne chère affichent un faciès réjoui au vu de leurs amis.» Il est probable, ajoute Lacotte, que le mot chère – confondu avec le mot chair – ait fini par prendre le sens de «nourriture». L’expression faire chère lie a le même sens, ambivalent : mener une existence agréable, joyeuse, faite de visage (chère) en liesse (lie) et de festins partagés.

Un banquet du diable : pas de sel, pas de joie

Éclairant d’une plume savante les arcanes du français, Daniel Lacotte dévoile par ailleurs les origines étranges de nombreuses métaphores. Être la coqueluche par exemple n’a rien à voir avec une maladie. Piquer un fard n’est pas synonyme de «voler du maquillage» et ne signifie pas non plus «donner un coup d’aiguille dans un gâteau d’origine bretonne». On apprend aussi dans son livre pourquoi un banquet du diable désigne un repas sans sel. Pourquoi c’est 7 fois et non pas 6 fois (ni 8 fois) qu’il faut tourner la langue dans sa bouche. Pourquoi l’expression traiter par-dessous la jambe est née dans les tripots du XIVe siècle. Pourquoi l’expression de la plus belle eau, si élogieuse concernant les pierres précieuses, peut devenir péjorative appliquée à certains humains : «Un crétin de la plus belle eau brille pour sa parfaite idiotie», se moque Lacotte. Quant à l’«énarque de la plus belle eau» ?

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Article sponsorisé par Tatiana

 

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Métaphores, je vous aime ! Le dico des belles images, Daniel Lacotte, First editions, 2018.

L’homme et la Terre, Ludwig Klages, traduit par Christophe Lucchese, préface de Gilbert Merlio, éditions R&N, 2016.

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